Grand Paris : la pensée critique de Pierre Mansat & friends

Icone de la construction métropolitaine, l’ancien adjoint de Bertrand Delanoë Pierre Mansat, qui fut également président de l’Atelier international du Grand Paris (AIGP), a réuni, vendredi 4 décembre 2020 lors d’un webinaire, des intellectuels, urbanistes, géographes ou architectes, pour lancer un think-tank de refondation de la pensée critique sur le Grand Paris. L’occasion de déplorer une métropolisation « livrée aux seules lois du marché ».

Le constat formulé par les chercheurs, géographes, urbanistes, architectes ou hauts-fonctionnaires réunis vendredi 4 décembre 2020 par l’ancien président de l’Atelier international du Grand Paris (AIGP) Pierre Mansat, a le mérite de la clarté. Il est sans appel. « L’aménagement, l’immobilier et le Grand Paris dans son ensemble sont livrés aux seules forces du marché, avec le profit de quelques acteurs dominants comme unique boussole », ont déploré tour à tour, chacun à leur manière, la plupart des intervenants.

Pierre Mansat. © JGP

En introduction des débats, Pierre Mansat a indiqué souhaiter saisir la période précédant les élections régionales pour réfléchir « aux innovations démocratiques nécessaires pour un gouvernement métropolitain efficace ». « Dans cette région la plus riche d’Europe, qui crache 700 milliards d’euros chaque année, les inégalités continuent de s’accroitre », a entamé l’ancien directeur de la mission métropole de la ville de Paris, citant une étude du géographe Guy Burgel. « Les grands projets inutiles et dangereux avancent à vive allure, Gare du Nord, Ile Seguin, alors que les projets utiles mettent un temps infini à se réaliser », a poursuivi l’ancien élu, citant l’exemple du tramway T4, « qui a mis plus de 20 ans pour desservir Clichy-Montfermeil ». L’ancien président de l’Atelier international du Grand Paris a regretté, au passage, que les travaux de l’AIGP ne soient pas utilisés aujourd’hui.

Pierre Mansat a décrit les « difficultés qu’a la classe politique parisienne à appréhender un fait métropolitain qui a trait avec la globalisation ». Il a déploré « le repli communal », constatant « que la question métropolitaine n’avait été posée par personne, dans aucune commune », lors des dernières élections municipales. « Face aux nécessités d’un changement global, le projet métropolitain ne peut se contenter d’être l’addition des politiques communales », a-t-il martelé.

A la fin de ce colloque digital, l’économiste Pierre Veltz, grand prix d’urbanisme 2017, directeur de la mission région Capitale, auprès de Christian Blanc, a déploré à son tour « une métropole dont l’ADN est d’être une assemblée des maires, où il est écrit sans être écrit qu’il n’y aura pas d’arbitrage supracommunal ». « Quand j’ai entendu la maire de Paris, auditionnée par le Sénat, dire qu’Inventons la Métropole était la réussite majeure qui prouvait l’utilité de la Métropole, j’ai été choqué. Cela veut dire, laissons les lois du marché opérer », a estimé l’ancien président de l’établissement public d’aménagement de Paris Saclay.

Pierre Veltz. © Jgp

« La MGP a certes constitué une avancée », a également estimé Pierre Veltz, avant de fustiger un périmètre jugé « rédhibitoire, excluant cinq millions de Franciliens, alors qu’un million d’entre eux franchissent chaque jour – en temps normal – les frontières de la petite couronne ».

L’économiste a également raillé une vision du gouvernement métropolitain basée sur le développement des coopérations inter-territoriales et des réseaux, chère à l’ancien adjoint d’Anne Hidalgo à l’urbanisme, Jean-Louis Missika : « les réseaux, c’est la loi du plus fort », estime Pierre Veltz, pour qui il n’existe « rien de mieux que le territoire comme base électorale et périmètre d’organisation des services publics ».

Les contre-exemples d’Ivry et de Boulogne

Simon Ronai, géographe, ex-membre de l’AIGP et Bernard Landau, architecte-voyer honoraire de la ville de Paris, ancien directeur adjoint de l’urbanisme de la Capitale, ont illustré « les errements causés par l’absence de gouvernance métropolitaine », à travers deux exemples de grands projets : Ivry Confluences, ainsi que le Trapèze et l’Ile-Seguin à Boulogne.

Simon Ronai a déploré qu’Ivry Confluences n’accueille pas le grand espace vert que cet ancien territoire servant de la Métropole mériterait à ses yeux. « Le coût de la dépollution d’un territoire qui a servi à toute la région devrait à l’évidence être pris en charge par la Métropole. Un projet d’une telle ampleur, qui s’étend sur 145 hectares, ne peut être laissé aux mains d’une commune de 60 000 habitants », a-t-il estimé.

Pour Bernard Landau, les programmes de l’Ile-Seguin, en particulier l’ensemble tertiaire en préparation sur la partie sud, « signe la fin tragique d’un lieu qui a fait rêver tous les architectes et les urbanistes ». L’urbaniste a regretté « l’absence d’une vision écosystémique, écologique, de prise en compte du rôle du fleuve dans le rafraîchissement des villes ». Il a déploré la construction de bureaux en nombre projetés sur l’Ile Seguin, « alors que Boulogne est déjà surdensitaire en bureaux ». La faute, là encore, « à une gouvernance laissée à Grand Paris Seine Ouest et à la ville de Boulogne et non à des instances métropolitaines ». « Ce sont les fonds de pension qui font l’aménagement, regrette Bernard Landau. Au Mipim, les investisseurs débarquent pour dire :  j’ai 500 millions d’euros à investir, je les mets où ? C’est comme ça que s’est fait la Métropole ces dernières années. C’est avec cela qu’il faut rompre ».

Dans ce tableau, le Grand Paris express, « qui va bouleverser le rapport aux études, les rapports au travail », semble constituer une exception, saluée par Pierre Mansat, « même si la version aérienne, comme proposée par les urbanistes à l’époque de l’AIGP, aurait été sans doute préférable ». L’architecte David Mangin a plaidé, à ce sujet, pour un « urbanisme d’itinéraires », redoutant que les quartiers de gares du Grand Paris express fassent naître, demain, de nouvelles ségrégations.

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